Boule à n’ai-je

Stefan von Nemau

Elaguer sans éluder…
Retrouver la Source…
Celle d’avant…
Avent du Père…
Évent de la Mère…
Avant l’écho du puits amniotique où pièce fut jetée…
Avant l’amer…
Avant l’émoi de la voie…
Avant l’oxyde exode aux deux fers…
Avant la Terre où traire la taire ne peut extraire le sens viciés d’un pi évidé…
De ses nombres premiers…
De son sang caractère…
De son ex-crème onction…
La marque au faire rouge d’Oblivion.

N’y aurait-il que Silence éternel pour l’expiation d’Augeas?
Malédiction des sceaux que la brisure assassine?
Numineuse humanité à son image tannée…
Océaniques chimères dans son laboratoire où là n’ai-je fut soufflée…
Dans le clignement du bas cil fermentant Petri l’enfer naît.

Dans cette boule de vair à la neige maïeutique, enfermés dans la solitude de leur ruine mots dite…
Revêtus de l’espoir de leurs cris si lance cieux qu’ils ne peuvent troubler le bruit des oies jargonnantes et bottées traversant de leur pas le Léthé des hivers.

Que reste-t-il de nos amours lorsque l’hippocampe prétentieux se noie dans le sang viatique  épanché sur le zinc au contoir, dégoulinant de vieux restes de fantasmes collants aux relents émétiques?
Fantaisie hérétiques?
Que reste-t-il lorsque la Grande Ourse met son doigt dans le nombril du monstre évidé en lui disant « ici est l’Or! Rions! »…
Constellations…
Consternation…
Et Jean passe et trépasse dans les eaux d’Augeas. 

Enfin, que reste-t-il sinon Néant souterrain d’où quelques monstres chthoniens s’échappent en riant.

La neige fond, impermanente rosée de mai du chœur Atlantide et si tout s’alambique, jamais bouillon ne ment. Le jus d’A centripète suinte l’Elle X Sir aux nuits sans nombre… la rencontre alchimique dans le bruissement d’air de la plume… les noces subtiles de la Lumière et de l’Ombre naissent sur le plateau d’Anubis. Elles célèbrent l’espoir d’une Vie d’ailes…

Ô poète cherche ta Muse dans les bulles de vert et ensemble enlevez les enfants de la gueule de Saturne aphone… énamourez le Temps… anoblissez vos heures damnées… vos secondes ne sont que pétales de fleurs fanées. 

Tempérance flamboyante

L'assure anse
L’assure anse – Photopovera – « Les hasards objectifs » – 2024- ©Stefan von Nemau

Déraison sans oraison… vil or… Passion en [pavois]… chariot de feu aux joues rougissantes… [lit sans cieux] où souffle l’ardent tonitruant… ô bourreau aux [six lances].

[Malin] sait-il où perdre contrôle afflige si ce n’est sur les rives de l’improbable été? Nus sur la berge où salamandres assassines fument nos orgueils d’albatros putréfiés, callosités, étreintes perverses, enfin le [mors] nés.

Plus rien que pure envie, [en vit] triomphant glaise, l’alibi [Do] exprime son [Là], lasse et languissante aphonie, plus rien ne vit dans ce désert atone que mâles craie blanche sur l’ardoise vitriolés d’un [toit] en jachère, le [ciré] du [Breton] suspendu en [patère] dégoulinant sa tristesse.

Muse idéale, solitude de zombie en pied de stale où jus ment. Est-ce Amour qu’exiger autant que les sphères insupportent? Dans le jour sans faim, devant l’omble chevalier, héraut muet transit d’effroi, passe lance, plateau et coupe sans [mot dire]… Du [profond dys] le mat d’hier sombre… immaculé… Précieuse arcane sans nom, rase, coupe afin [qu’en vit] repousse de l’envers du [pend dû], ce Fou au séant décharné semant à la taire ses précieux trente [deux niés].

C’est du Voyage qu’il s’agît en fait. Quitter le sol en proie aux luttes chthoniennes, quitter l’asphalte bitumeux élixir d’Aur noire, vil onguent qu’une vieillesse immature ingurgite et agonise. Pitoyable ris de l’avoir calciné de son sublime été… Ne rien questionner c’est risquer de Tout perdre, sur ton front dégouline [cire] de Gloire perdue, rien ne brûle autant que l’Amour [con tenu], rien ne brûle autant que la Vie [corps rompus].

Vagabond hissant voile sur regard providence, assure rance contre un Néant aux putrides fragrances, éructer l’ondulatoire de l’antre arc en ciel… fermer les yeux, oublier, vivre… pour… toucher encore tes mains nues…

Rien ne brûle… tout effroi… rien n’échoue… Tout échoit….

©Stéphane Chauvet

La temperance flamboyante – Collage – 2024 -©Stefan von Nemau

L’espoir Polaris

Beau comme la rencontre fortuite d'une machine à coudre et d'un parapluie sur une table de dissection - Man Ray - 1932/33 - in SURREALISME - Centre Beaubourg ©Stefan von Nemau
Beau comme la rencontre fortuite d’une machine à coudre et d’un parapluie sur une table de dissection – Man Ray – 1932/33 – in SURREALISME – Centre Beaubourg ©Stefan von Nemau

Dans son bureau du Northern Star1, à la proue de sa machine à encrer, il sent les murs s’assombrir peu à peu. Il écoute la vie au rythme des battements des barres à caractères battant le papier. Le bruit révélant le rythme des mots le plonge dans une demi attention. Peu à peu les lettres s’encrent de noir-lumière… peu à peu les ombres deviennent l’Ombre… peu à peu les vibrations du dehors se distendent, de plus en lus graves et distantes, tel le battement d’un cœur vieillissant… s’apaisant dans les lambeaux de cire molle qui s’étalent, obscènes, sur cette table de dissection rachetée à prix d’âme à l’homme solaire2 au rayon alchimique ayant réconcilié le jour et la nuit en un même portrait de famille solarisée.

C’est ainsi qu’il perçoit les mots… c’est ainsi aussi que le Voyageur descend de son étoile noire et apparaît. Son corps diaphane se détache de l’ombre au spectre résiduel… aujourd’hui c’est de la bibliothèque qu’il apparaît. Visiblement il existe aussi des portes dans l’épaisseur du papier, entre les pairs et un-perd, voile de soi déréalisé où l’un se cache et se délite tandis que l’autre se tisse et dévoile… équilibre… ô capitaine au frêle esquif titubant, vers quel ailleurs tes étoiles te mènent-elles?

Collection permanente du musée des Confluences à Lyon ©Stefan von Nemau
Collection permanente du musée des Confluences à Lyon ©Stefan von Nemau

L’immanence nue de l’Inconnu se révèle peu à peu plus dense… l’ombre devient comme matière noire… puis mélasse organique comme celle qu’il a pu rencontrer parfois dans les charniers de restes informes en décomposition. L’organique s’assemble, se rassemble, se réunit jusqu’à ce que son corps se forme…

C’est étrange… pourquoi parler de corps alors que cette forme étrange n’a pour l’instant rien d’humain… un corpus de gluons tout au plus… mais ses yeux se brouillent, il ne perçoit plus que la buée de la bouilloire en train de siffler… les gouttes d’eau referment la fenêtre…  

Ça y est!

Imperceptiblement il a franchi le seuil de l’Antremonde. Son esquif-bureau est devenu corbeau… il devient un gluon du Voyageur. C’est ainsi, pour voyager dans toute tessiture qui se dévoile il faut un nautonier avec son passager du vent, avec la barque, les trois forment un tout.

Collection permanente du musée des Confluences à Lyon ©Stefan von Nemau
Collection permanente du musée des Confluences à Lyon ©Stefan von Nemau

Assis sur une branche de son vaisseau-étoile au noir le plus absolu il lui laisse le temps d’accueillir ses murmures, de dessiner ses moutons3. Pour accéder à l’Antremonde de la Surréalité il faut traverser le pédiluve de la Raison résonnante et tonitruante et s’en décontaminer. Ici il n’y a pas de combat intellectuel entre immanence et transcendance puisqu’ici les deux ne sont qu’une et une seule Lumière révélée par celui qui la reçoit. Ici nulle digression autour du coq, de la poule et de l’œuf puisqu’ils ne font qu’un. Ici tout change de nom en fonction du Temps depuis lequel ont le perçoit grâce à nos sens.

Le Nautonier et son voyageur sont assis sur le bord de la machine à ancrer qu’un autre reflet de lui-même actionne pour graver les caractères sur le papier avec cette fine couche d’encre arrachée au ruban de la vie4. L’encre et l’ancre se mêlent, les mots perdent leurs sens communs… Par quelle opération alchimique, ou même magique, se chargent-ils de sens nouveaux? Sont-il symboles, Art ou simple expression d’un indicible que chacun s’emploie à tenter de comprendre? Ces mots sont-il de simples feuilles d’arbres révélant juste la tessiture du vent qui les agite? Et si ils ne sont que simples feuilles d’arbre, que va t’il advenir lorsque l’hiver venu, et les feuilles tombées, la subtilité du vent ne pourra plus être révélée?

"L'ancrage" du Noir - Série "Les hasards objectifs" - Photographie - 2024 ©Stefan von Nemau
« L’ancrage » du Noir – Série « Les hasards objectifs » – Photographie – 2024 ©Stefan von Nemau

La “Surréalité” est-elle miscible dans l’Antremonde de l’Art Royal? Est-il ici seulement question d’âme? La chair quitte les eaux comme la cire lâche la flamme… la gangue de l’ombre parapluie s’éprend de “l’art-éole” d’un saint au cœur machine à coudre… humanoïde patchwork aux lambeaux rapiécés par la déraison scientiste d’un docteur qui voulut être Dieu5… Lucifer déchu poursuivit par son étoile à l’aurore de son destin… Pour être recyclé tout doit être désuni aussi les Parques rembobinent leur fil et les marionnettes se défont… la vie se détisse libérant l’oubli lorsque la soie s’effiloche. Lorsque la navette du destin se libère de sa chaîne il ne reste que la trame de l’histoire.

(*photo masques)

La machine est l’écrin funeste de l’ivresse des mots tant reprochée. Mais que reste-t-il sinon la tentative de transcription d’un souffle poétique du Golem que la raison résonnante ne cesse de vouloir désagréger? Il ne comprend pas, il ne comprend plus… d’ailleurs il ne veut plus tenter de saisir l’insaisissable ou même essayer de comprendre ce qui ne peut qu’être vécu et dont il ne reste que le souvenir des vagues mourant sur la plage, au réveil d’un minuit passé… nuit de masques au cœur des terres marines aux couleurs exsangues… transcription n’est pas transmission c’est ainsi.

Image tirée du court métrage surréaliste de Luis Buñuel "Le chien andalou" - 1929
Image tirée du court métrage surréaliste de Luis Buñuel « Le chien andalou » – 1929

Est-ce que la Raison permet de mieux se souvenir? Est-ce que c’est le vertige du vide qui pousse à la mémorisation compulsive des dates et des faits? Est-ce que le “né-en” naît de la fécondation du Néant? Est-ce que la quête de la raison originelle permet d’expliquer ce voyage aux confins d’un centre espéré universel? Est-ce que la Raison explique les “hasards objectifs” qui sont la rencontre des verticalités contraire du Sublime et du Beau hors du chant intellectuel d’un esthétisme mièvre vociférant pour masquer son dénuement le plus absolu… c’est le sens qui aiguise le regard en tranchant l’œil6.  

Si l’initié travaille de Midi à Minuit, l’Artiste luit de Minuit à Midi, toujours en “mal d’aurore” car c’est là  que se récolte, parmi les gouttes de l’eau salée de printemps, “les toiles du Mat tain”, au Nadir de la Raison, apogée de cette intuition que tant nomme déraison. Mais qui est l’alchimiste de cette voie royale? Qui œuvre? Qui parle? Qui écoute?

Assis dans l’herbe douce d’un printemps espéré fertile, l’Artiste regarde vers le “si-elle” et tant pis si il cache ses idées et ses émaux à l’inter-rieur des mots. L’Artiste de la Voie de l’Eau, tout comme l’Initié ignitié de la Voie du Feu ne peuvent être compris… leurs cris ne sont que murmures à peine perceptibles parmi les feuilles tombantes d’un arbre d’automne.

La tentation d'Eve par le serpent - William Blake - 1799/1800 - œuvre inspirée par le poème de John Milton "Le paradis perdu" - 1667
La tentation d’Eve par le serpent – William Blake – 1799/1800 – œuvre inspirée par le poème de John Milton « Le paradis perdu » – 1667

Assis dans l’herbe douce d’un printemps espéré victorieux l’Artiste et l’Ignitié attendent en princes du Doute la morsure adossés contre les anneaux du “serre-pans”. Nahash7 observe, écoute, il ne sait encore à qui il dispensera son venin, mortel à l’incomplet.

“De quel arbre as-tu goûté toi déjà,” persifle-t-il à celui qui l’attend.

“Pour toi ce sera plus tard!” suggère-t-il à celui qui chemine.

Collection permanente du musée des Confluences à Lyon ©Stefan von Nemau
Collection permanente du musée des Confluences à Lyon ©Stefan von Nemau

Au philosophe la ciguë8, à l’énigmatique savant la pomme cyanurée9, au poète l’absinthe, au funambule la marche nuptiale fatale au vertige de lui-même. Entre Nadir et Zénith tous ont en commun ce profond désir d’ascension des empereurs sur ce fil de Lumière reliant l’Étoile du Matin10, fée verte du Nadir à celle de la nuit au Zénith de l’axe cosmique. Tous ont en commun cette muse qui les fera trébucher et retomber, d’apogée en hypogée… Tous ont en commun leur solitude de l’esprit et l’appel du vide rédempteur.

Etude crayon sur papier de l'arcane 13 dans son premier cycle selon Stefan von Nemau - Objet Visuel Non Identifié à venir - 2024
Etude crayon sur papier de l’arcane 13 dans son premier cycle selon Stefan von Nemau – Objet Visuel Non Identifié à venir – 2024

Au cœur du cabinet de réflexion, au cœur de l’ombre grandissante, l’impétrant lègue sa part de lumière à la nuit dans un testament que l’on prétend philosophique… comme pour rassurer l’enfant en regardant si les fantômes sont sous son lit… comme si cela ne comptait pas “pour de vrai”… comme si après on pouvait revenir en arrière…

C’est cet holocauste de “ce que l’on croît être le meilleur de soi” qui permet de payer le nautonier en transmutant ‘l’amor-sur” de Nahash en “pas-sage” de “l’Eau-de-là”.

Le chant d'amour - Giorgio de Chirico - 1914 - Centre Beaubourg ©Stefan von Nemau
Le chant d’amour – Giorgio de Chirico – 1914 – Centre Beaubourg ©Stefan von Nemau

“L’amer t’hume” est le prix de “l’aqua-vit”… le prix de la fécondation du nouveau-né en essence porteur de l’étoile à la lueur d’absinthe. C’est la tête et les gants accrochés au mûr que la sphère de l’Inframonde subréel se découvre et délivre sa Lumière glauque11 à l’immanence transcendante… L’étoile du Nadir se dévoile, cœur vert palpitant… perle de nacre au secret sacré… serment sur le silence de la plus profonde pudeur aux heures pleines de la naissance du jour… appel du Coq errant répondant à l’appel de l’indicible.

La muse Polaris ou Alpha Ursæ Minoris - Série "les hasards objectifs" 2024 ©Stefan von Nemau
La muse Polaris ou Alpha Ursæ Minoris – Série « les hasards objectifs » 2024 ©Stefan von Nemau

Il est un royaume d’où il revient ce passager du vent qu’écoute religieusement le machiniste du Northern Star. Ce royaume d’où il revient est dans le tain d’un miroir qu’Alice12 et Narcisse13 ont traversé. Le passager voulait s’y établir mais… sauf à être une porte soi-même, on ne peut pas vivre dans l’huis14… Cependant ce passager “mots dits” raconta comment le voile propitiatoire de l’hymen de la reine du pôle fût déchiré par “l’Enfant du Matin” lorsqu’il prononça le “non-dit substitué”… il est des “idées-hautes” qui ne peuvent être fécondées si leur Lumière veut rester fertile… il est des courants de Création, des maelströms de Génération qui ne peuvent être emprisonnés dans les photophores pitoyables de la Raison raisonnante et parfois “trébuchiante”.

Ainsi seule l’Œuvre, lorsqu’elle se révèle, est le héraut de la Rencontre. L’Œuvre est la trace éphémère qui subsiste après sa Révélation, ce sont les volutes de l’onde dessinée dans le battement des ailes de la destinée, ce furieux hasard rencontrant son objectivité en embrasant la Raison résonnante d’un revers de Lumière comme on enflamme un testament philosophique pour payer son obole à Charon.

Papillons surréalistes in SURREALISME - Centre Beaubourg ©Stefan von Nemau
Papillons surréalistes in SURREALISME – Centre Beaubourg ©Stefan von Nemau

En cela, la Voie Initiatique de l’Art Royal n’est pas une sur-réalité. Elle est une sub-réalité dont il convient d’aller chercher la tension afin de révéler la sublime Lumière marquant la Porte reliant le Nadir au Zénith. Sans émotion l’art est coquille vide… sans eau le feu est un impensé… sans feu il ne peut y avoir d’ignition… sans ignition jamais l’initié ne brûlera révélant sa majuscule. Délier l’écheveau de l’échafaud c’est enlever le mors de l’âme.

A la première verte lueur de l’aube, le passager du Northern Star disparut dans le dernier battement mécanique. Dans le “feu” de la nuit il avait levé l’ancre sans que personne ne puisse savoir qui était le nautonier et qui était le passager. Peut-être que dans les vapeurs d’encre ils n’étaient qu’un.

Stefan von Nemau pour Les Yeux du Cyclope

  1.  Lire “l’homme qui voulu être roi” de Rudyard Kipling ↩︎
  2. Découvrir l’œuvre de Man Ray ↩︎
  3. Lire ou relire le Petit Prince d’Antoine de St Exupéry ↩︎
  4.  Lire l’Eternaute d’Alberto Breccia ↩︎
  5. Lire Frankenstein ou le Prométhée moderne de Mary Shelley ↩︎
  6. Voir le court métrage surréaliste “Un chien Andalou” de Luis Buñuel – 1929 – 21 minutes ↩︎
  7. Lire Apocalypse 22-16 et Livre d’Isaïe 14-12 à 14 ↩︎
  8. Socrate ↩︎
  9. Alan Turing ↩︎
  10. Lire Apocalypse 22-16 et Livre d’Isaïe 14-12 à 14 ↩︎
  11. Glauque : sens 1 : De couleur verte tirant sur le bleu – sens 2 : sordide, sinistre, lugubre ↩︎
  12.  Lire “De l’autre côté du miroir” “Through the looking-glass, and what Alice found there” de Lewis Caroll – 1872 – Suite “D’Alice au pays des merveilles” 1865 ↩︎
  13.  Voir aussi Le Testament de Narcisse par Stefan von Nemau ↩︎
  14. Voir le film Interstellar de Christopher Nolan – 2014 ↩︎

Catalogue de l'exposition Le Surréalisme du Centre Pompidou. Exposition célébrant le centenaire du 1er manifeste du Surréalisme
Catalogue de l’exposition Le Surréalisme du Centre Pompidou. Exposition célébrant le centenaire du 1er manifeste du Surréalisme – Suivre le lien de l’image

La chenille se souvient-elle du papillon?

Il était une fois une petite chenille, humble et frêle. Elle était colorée de noir, de rouge, de jaune et avec des points blancs. Elle était si frêle et si fragile que mère nature lui avait donné de longs poils urticants pour se défendre. Et, avec le temps, les doigts du ciel ne l’approchaient même plus pour la toucher…

Chrysalides par Stéphane Chauvet
Photographie tirés de la Série « Les cas d’havres exquis »

Il était une fois une petite chenille, humble et frêle. Elle était colorée de noir, de rouge, de jaune et avec des points blancs. Elle était si frêle et si fragile que mère nature lui avait donné de longs poils urticants pour se défendre. Et, avec le temps, les doigts du ciel ne l’approchaient même plus pour la toucher.

Je ne sais si elle avait une quelconque conscience d’elle-même ou bien de sa destinée. Elle n’était qu’un insecte rampant, se nourrissant de feuilles d’arbres fraiches, de mousses ou de champignons. C’était bien là son occupation principale. Parfois, avec ses sœurs chenilles elles se réunissaient en de longues processions et elles rampaient.

Un jour, sans qu’elle sache ni pourquoi, ni comment, un fil de soie sortit de son corps. Sentit-elle alors qu’il était temps ? Que son moment arrivait ? Ou bien, ne sachant que faire de tout cela décida t’elle d’y trouver une quelconque utilité ou même un sens ?

Bref…

lle fit ce que sait faire toute bonne chenille arrivée à son Temps : elle s’enroula dans son fil de soie. Peut-être crut-elle que cela allait la protéger ? Peut-être savait-elle ce qu’il allait advenir ? En attendant, ce qui devait la protéger était devenu si dense qu’elle s’y enferma sans même s’en rendre compte. Ce qui devait être un écrin était devenu cocon.

Jours après jours elle se liquéfia. Tout son être était devenu visqueux, acide, glauque, soufre et couleur de terre… Dans ce cocon devenu chrysalide, tout son être changea de forme et de raison d’être… Ses yeux s’agrandirent, ses mâchoires devinrent trompe, son dos se fendit en deux pour laisser apparaître ce qui allait devenir des ailes.

Si un curieux avait voulu observer l’intérieur du cocon, il aurait fallu qu’il coupe le fil de soie pour l’ouvrir sans attendre que l’œuvre soit achevée. Cette curiosité aurait interrompu cette miraculeuse alchimie qu’est la vie pour n’en percevoir qu’une putréfaction mortuaire éphémère.

Calfeutrée ainsi au cœur de sa soie, elle n’était plus que chaleur du soleil, humidité de la pluie, air du vent, acidité de la terre.

Lorsqu’elle sentit que le Temps était accompli son abdomen se gonfla et la chrysalide s’ouvrit laissant émerger un papillon. Il extirpa ses ailes encore molles et gluantes, son corps puis enfin sa tête de la gangue de soie qui avait jusqu’alors protégé son œuvre.

l ouvrit ses yeux aux mille facettes et découvrit en même temps, à la grâce de ses mille regards, ce qu’il avait été : un cocon, et ce que la métamorphose avait accompli : un papillon.

Si un bon samaritain avait voulu l’aider à sortir de sa citadelle de soie il aurait brisé l’élan de sa détermination et de ses efforts. Et ce sont les efforts et la détermination qui font la force et la possibilité du vol.

Le soleil termina de la sécher doucement. Le mucus devint poudre bleue sur ses ailes irisées… Un battement… Deux…

Puis…

Il partit se nourrir aux calices des fleurs et ainsi les féconder. Se souvint-il un jour qu’il en avait dévoré les feuilles lorsqu’il avait été chenille ? Nul ne le sait. Nul ne sait même si il se souvenait avoir été chenille.

La nature des choses avait amenée la chenille au bord de son envol. Son envol fragile mais puissant, dans cette fin de vie devenue brève, tenait du miracle de la transmutation et de la nature profonde et inexplicable du Secret de la Vie. Il avait pris naissance dans le cœur d’une chenille par le don de soie transmuée pour renaître dans l’envol éphémère d’un papillon aux ailes bleues filant vers l’azur.

Une seule question subsiste cependant : la chenille se souvient-elle du papillon?

Stefan von Nemau

Le choix des vivants

J’ai visité tes humides catacombes,
Tes vals obscurs iridescents dans l’onde,
Miroir aux fantasques, papillons enchantés,
Chrysalide de soie aux parfums doux musqués.

J’ai visité tes humides catacombes,
Tes vals obscurs iridescents dans l’onde,
Miroir aux fantasques, papillons enchantés,
Chrysalide de soie aux parfums doux musqués.

J’ai semé en toi mon ultime espoir,
Celui d’enfanter du creuset laminoir,
C’est l’épreuve de la foi, malgré le temps mouvant,
Devenir des époux gémellaires amants.

Tu dois quitter cet il pour faire ce voyage.
Avec incertitude pour unique bagage.
Tu revisites tes peurs, transes acides fragrances,
Oubliant parfois que l’Amour est seule chance.

Difficile de laisser celui que l’on a tant aimé,
Qui de nous n’a laissé qu’une image souillée,
Dans le reflet d’une vitre embuée sur la rue,
Tissant son retour, Pénélope mise à nue.

Lorsqu’on fini par voir que cette servitude,
Est la chaine mordante de notre solitude.
Il n’y a parfois pas d’autre choix pour s’en libérer.
Que la ceinte cheville gangrenée, amputer.

C’est souvent le prix de la Liberté,
Celui du sacrifice accepté, assumé.
Aimer, vois-tu, est le choix des Vivants,
L’enchainé est lui un mourant survivant.

Stefan von Nemau (2017)

A l’ancre noire je me suis endeuillé

J’ai laissé ma raison appareiller de Cythère,
Laissant Aphrodite dans l’écume des flots,
Effacées chaque goutte par les vagues éphémères.
Son visage, sa main, la douceur de son dos,
S’enfoncent au panthéon des sels d’argent solarisé.

J’ai laissé ma raison appareiller de Cythère,
Laissant Aphrodite dans l’écume des flots,
Effacées chaque goutte par les vagues éphémères.
Son visage, sa main, la douceur de son dos,
S’enfoncent au panthéon des sels d’argent solarisés.


Il ne peut en amour y avoir de raison,
Juste parfois une mortelle oraison.
A qui n’a pas brûlé la douleur insupporte,
Qui a trop irradié seul Chronos l’emporte.


Je n’ai pas choisi les rencontre orphiques,
Qui semblaient vu de loin des odes magiques.
Je ne peux me résoudre encore à plonger,
Dans les eaux abyssales du fleuve Léthée.


Tu n’as pas franchi le Styx avec moi bel amour,
Peut être, sur une rive, nous croiserons nous un jour.
Je me suis engagé en saignant mon écrit,
Je redeviens vampire au pays des zombies.


De mon âme immortelle je vais donc briller,
Aux délices de leurs sucs je vais me rassasier.
Leur montrer le chemin de l’errance éternelle,
Celle qui prend fin dans la nacre charnelle,
D’un désir violent ouvert aux troublants,
Comme l’absente absinthe des poètes conquérants,
Que je refuse de boire contre vents et marées.


Je me veux être Amant, et non chien errant.
Je n’ai pu être roi, c’est aussi bien ainsi,
Je range mon sceptre dans le coffre de l’oubli,
Et écrire pour que cesse cet écho déchiré,
Celui que ton silence, en moi, fait brûler.

Stefan von Nemau

Le poids du vide en ma main

Un soir en traversant le pont,
J’ai parlé à un homme, il regardait vers le fond,
Son esprit déjà dans l’amer du tréfonds.
J’ai lâché les mots et malgré attention,
Il a sauté avec détermination.
Je l’ai retenu par la main, visage et béton.
D’autres ont aidé, Temps en suspension.
Sisyphe voulait mourir, il l’a crié, crié et crié.
Ma peur me hurlait de ne pas l’écouter,
Mon instinct murmurait : « Laisse le s’en aller ».
C’est lorsque son nom je lui ai demandé…

Un soir en traversant le pont,
J’ai parlé à un homme, il regardait vers le fond,
Son esprit déjà dans l’amer du tréfonds.
J’ai lâché les mots et malgré mon attention,
Il a sauté avec détermination.
Je l’ai retenu par la main, visage et béton.
D’autres ont aidé, Temps en suspension.
Sisyphe voulait mourir, il l’a crié, crié et crié.
Ma peur me hurlait de ne pas l’écouter,
Mon instinct murmurait : « Laisse le s’en aller ».
C’est lorsque son nom je lui ai demandé,
Qu’il a ouvert ses doigts et de lui n’a laissé,
Que le son de son envol dans le fleuve, décidé…


…Et le poids du vide en ma main….

Il a vogué dans le courant, un éternel moment.
Un Charon anonyme de la rive a nagé.
Et sur le bord de sa vie l’a recouché.
Allongé sur la berge Sisyphe est survivant,
Peut être était il mort il y a bien longtemps,
A pousser son rocher sur la montagne de l’instant.


…Je sais combien pèse une vie c’est certains…
…Pas plus que le poids du vide en ma main…

Il est des maux où les mots ne pèsent rien,
Que l’eau du vide répandu en sa main.
Clepsydre vidée je fais le bilan :
Des anonymes s’unissent pour sauver un Sisyphe.
Ils ne le connaîtront pas, c’est un élan de foi.
Pris dans mon orgueil de n’avoir pu seul empêcher,
Ce saut dans le vide de cette âme damnée,
J’en ai oublié qu’une chaîne d’hommes unis,
A pu ce soir là, sauver une vie.
Si ce n’est celle de Sisyphe, car elle lui appartient,
C’est au moins la leur, qu’ils tiennent entre leurs mains.
Par le poids du vide en ma main révélé,
C’est ma vie, que Sisyphe a sauvé.


… Je sais maintenant combien …
… Pèse le temps filant dans ma main …

Stéphane Chauvet (2012)