La camera obscura

La porte étroite
The wizard of « Ose »

Très cher Visiteur du soir, je vais traiter ici de la Lumière que les ténèbres n’ont pas arrêtée. Je vais aborder ce thème qui m’est cher par mon métier, mes passions et mes quêtes en vous parlant de l’outil le plus simple qui me permet d’en conserver l’image : la caméra obscura.

La Lumière

Quelle pureté que la Lumière, quelle richesse ! Elle est chaleur, énergie, un outil, poésie… Elle permet la Vie et ses Mystères… Elle défie le Temps…

On dit d’elle qu’elle est vérité, langage, but, mystique, initiatique…

Parfois elle est noire, parfois elle est blanche, trop près des yeux elle aveugle, trop loin ils ne peuvent la percevoir…

Parfois elle révèle, parfois elle sauve, parfois elle nous illusionne…

À chaque étape de cette odyssée mes yeux s’affinent un peu plus et peuvent saisir les nuances enfermées dans le Débir de l’Antremonde.

Le paradoxe lumineux

Physiquement, la Lumière est un ensemble de faisceaux d’ondes composé de photons toujours en mouvements. Son spectre s’étend de l’invisible à l’invisible. En photographie il est nécessaire de la mesurer pour en matérialiser l’image.

Il y a deux manières de procéder :

  • La mesure incidente : le posemètre est placé face à la source de lumière. Ainsi il mesure la quantité de lumière qu’elle transmet.
  • La mesure réfléchie : la cellule est tournée vers le sujet photographié ainsi elle mesure la quantité de lumière qu’il réfléchit.

Ainsi la lumière doit être soit vue à sa source, soit être réfléchie par un objet, afin d’être perçue. De plus, c’est grâce à ses différences que la lumière est perceptible.

D’une source à l’autre

Suivons le trajet de la lumière dans notre corps maintenant.

Elle se projette au fond de l’œil. Lors de son passage à travers la cornée l’image projetée au fond de l’œil est inversée. L’œil transforme cette perception en influx nerveux. Il est reçu par le cerveau qui va redresser le tout et interpréter ces informations afin de leur donner un sens en fonction des données de comparaison qu’il a emmagasiné.

On peut en déduire que l’homme ne voit pas la lumière, il en interprète seulement ses effets à l’ombre de son expérience.

Ma vie m’a enseigné que la Lumière Initiatique était souvent assimilée à la Vérité mais comportait aussi sa part d’ombre : le Mensonge. Malgré son apparente clarté, la lumière peut être noire et conduire à la manipulation, l’attachement, la haine, la colère, la peur et l’abandon. Une simple lueur dans la nuit peut rassurer et apaiser les rêves et pleurs d’un enfant. Le flambeau de la Foi et de l’Espérance en l’Amour ne doit jamais être sacrifié sur l’autel du bonheur à moindre coût.

Il est essentiel d’admettre que la vision du formel n’existe que parce qu’il est éclairé par la lumière et son ombre. C’est cette différence de perception, entre l’ombre et la lumière, qui permet d’écrire une image dont le sens dépend là aussi toujours du point de vue d’où on l’observe.

Enfin, en tant que Voyageur et selon le prologue de l’évangile de Jean :

Au commencement était le Logos, la parole de Dieu, et le Logos était auprès de Dieu, et le logos était Dieu …/… En Lui était la Vie et la Vie était la Lumière des hommes; la Lumière brille dans les ténèbres et les ténèbres ne l’ont pas arrêtée …/…

Ainsi l’image s’écrit grâce à la Lumière tirée de notre Chaos, notre béance originelle.

Le téméraire qui ose regarder le soleil sans ombre devient aveugle, et alors pour lui, le soleil est noir .

Inspiré d’une citation d’Eliphas Lévy reprise par André Breton dans Arcane 17

Marcher vers l’Aletheia

Cher Visiteur du soir, si nous sommes ensemble ici et maintenant c’est que nous sommes des Voyageurs. Nous marchons vers cette Lumière, vers ce Logos, cette Vérité qui se conçoit sans jamais pouvoir être atteinte, ce concept que les grecs anciens nommaient Aletheia.

Lors de notre Voyage en Antremonde, nous effectuons diverses circumambulations qui nous amènent à la Lumière après un parcours initiatique dont un des buts est d’habituer nos yeux à la clarté qui nous sera dévoilée.

Le processus alchimique advient naturellement. Le Voyageur chemine afin de reconstituer son unité originelle, l’Adam Kadmon de la Kabbale. Il progresse dans l’espoir de passer de l’état de glaise à l’état de prisme pur afin de révéler la diversité des couleurs contenues dans la Lumière ainsi réunifiée.

De trace nul ne laisse (extrait) - 7 ex - Encres pigmentaires - 30 x 90 cm
De trace nul ne laisse (extrait) – 7 ex – Encres pigmentaires – 30 x 90 cm

Le Logos pour oublier l’oubli

De tous temps les hommes ont cherchés à reproduire ce qu’ils percevaient. La découverte des pigments permit les premières peintures rupestres. Ainsi, grâce aux premiers chamans, l’histoire et l’identité des humains et leurs tribus ont pu être fixées. Puis vinrent la peinture, l’écriture, l’encre, le pinceau, l’imprimerie… pour toujours être au plus proche de la représentation du Logos.

La béance pour origine

Lorsque la lumière du jour est filtrée à travers un minuscule trou dans une pièce par ailleurs plongée dans l’obscurité totale elle projette sur la paroi opposée une image inversée. C’est avec cette description de la chambre obscure (camera obscura) que Léonard de Vinci découvre, trois siècles avant l’apparition de la première photographie, le principe optique de l’appareil photographique. Cependant, c’est un chinois, Mo Ti, qui au 5ᵉ siècle avant JC est le premier à décrire le phénomène de la projection d’image à travers un petit trou. »

Ainsi commence le livre « la photographie au sténopé » d’Eric Marais. Il continue en y associant le mythe de la caverne de Platon.

Au 15ᵉ siècle de nombreux artistes se serviront du sténopé pour reproduire fidèlement les perspectives changeant ainsi l’histoire de la représentation du réel.

Et les humains quittèrent le Moyen Âge.

La camera obscura : une Pierre noire

Une camera obscura est une boite creuse dont l’intérieur est noir. Sur une des faces est pratiqué un trou circulaire : le sténopé.

Ce trou, béance du Chaos, est fait au centre de cette face. Le diamètre de ce trou est proportionnel à la distance qui le sépare de sa face opposée, c’est la distance focale. Je rappelle que ma démonstration s’appuie sur une représentation du réel. Or, pour être fidèle au réel, la face opposée au sténopé doit être parallèle à celui-ci. L’axe vertical de cette boite devra être parallèle au sujet appréhendé. La face opposée au sténopé sera équipée d’une surface photosensible : des sels d’argent, de silicium ou vous-même. Enfin, la caméra obscura sera posée sur un pied, généralement un tripode pour être exact.

L’épreuve du Temps

Le sténopé sera ouvert pour que l’image se forme à l’intérieur de la boite. Du fait de la petitesse du sténopé, le temps de pose s’étend de plusieurs secondes à plusieurs heures selon la quantité de lumière reçue et la sensibilité du récepteur.

Un laboratoire alchimique

Une fois exposé, le film est extrait en chambre noire puis développé. L’agrandisseur va projeter le négatif révélé un papier lui aussi enduit de sels d’argents. Ce papier sera développé grâce à un révélateur, un fixateur, un acide, le tout sous une lumière inactinique rouge ou au sodium de couleur ambrée.

Le laboratoire alchimique de Stefan von Nemau 2
Le laboratoire alchimique de Stefan von Nemau

L’épreuve de la perception

Les yeux de ceux qui verront cette image transmettront à leur cerveau les informations pour qu’il puisse recevoir ce qui a été saisi.

L’épreuve de la vacuité

Cependant la photographie au sténopé ne fige pas l’image dans une apparente immobilité, elle embrasse le Temps. Vu son temps de pose très long, est net ce qui est strictement immobile selon le point de vue de l’observateur et souvent, est immobile ce qui n’est pas du domaine appelé « du vivant ».

Le sténopé révèle ainsi l’impermanence des choses : la vacuité.

Pour percevoir, les yeux ne suffisent pas

Je pense avoir fait le lien entre notre odyssée en Antremonde et la construction de notre camera obscura en expliquant le processus de développement de l’image témoin du souvenir.

On ne voit bien qu’avec le cœur, l’essentiel est invisible pour les yeux.

Antoine de Saint Exupéry

Ainsi pour « perce-voir », les yeux ne suffisent pas.

Stefan von Nemau
Stefan von Nemau, autoportrait surréaliste

L’écrin sacré

C’est dans l’écrin sacré du corps, de l’âme et de l’esprit que naît le sens profond et spirituel de nos perceptions.

Accéder à la Connaissance

Un soir, il m’a été murmuré : « Il est amusant de constater que lors de notre Voyage on reçoit la Lumière alors qu’on la porte en nous ».

Ma vision est que cette quête d’absolu permet de réunifier la Lumière qui a été emprisonnée éparse dans le Temps et la matière.

Pour accéder à la Connaissance le Cœur se doit de pardonner, l’Esprit d’oublier et le Corps de vibrer.

Lâcher prise et accepter

L’Aletheia est un Idéal de Vérité propre à chacun et Universel. Cette Vérité, cette compréhension intuitive je l’ai d’abord refusée. Une vérité lui ressemblant, galvaudée par les passions humaines, m’avait été transmise en héritage.

Si une vérité peut-être imposée, il appartient à chacun de trouver sa Vérité intime avec l’humilité de ne jamais l’imposer comme système universel.

Si je chemine en Antremonde les yeux « grands fermés », c’est pour que ma Lumière intérieure, grâce aux « cor(p)(s)-nu(e)(s )» du Voyage Initiatique, puisse un jour se relier à la Lumière Universelle dont elle fait partie, par-delà le bien et le mal.

Une quête d’harmonie

J’ai suivi mes circonvolutions et circumambulations. Elles m’ont amené à comprendre que l’aveuglement n’est pas du fait de l’absence de Lumière puisqu’elle est aussi en moi. Ne pas « perce-voir » vient de la dysharmonie entre mes yeux (corps), mon cerveau (esprit) et mon Cœur (âme). Sans harmonie, ils ne peuvent saisir et comprendre les nuances pures et sans attache de la Vie.

Circumambulations

Transcender l’abandon

C’est là que commence ma vraie Foi, mon Espérance.

C’est là la réponse à cette interrogation de Jésus devenant Christ :

Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ?

Sans l’abandon du « pair » et le vide de « l’amer », pas de Liberté pour le Fils car il ne peut se transcender.

Sans cet abandon créateur de Liberté, sa Lumière réunifiée, rapportée par Saint Jean, n’aurait pas éclairé « l’Uni-vers ».

« Il » est un univers. La camera obscura est un moyen de l’explorer.

Puissent ces mots t’avoir quelque peu éclairé.

Heureux qui comme Ulysse cher Visiteur du soir…

Stefan von Nemau

La chenille se souvient-elle du papillon?

Il était une fois une petite chenille, humble et frêle. Elle était colorée de noir, de rouge, de jaune et avec des points blancs. Elle était si frêle et si fragile que mère nature lui avait donné de longs poils urticants pour se défendre. Et, avec le temps, les doigts du ciel ne l’approchaient même plus pour la toucher…

Chrysalides par Stéphane Chauvet
Photographie tirés de la Série « Les cas d’havres exquis »

Il était une fois une petite chenille, humble et frêle. Elle était colorée de noir, de rouge, de jaune et avec des points blancs. Elle était si frêle et si fragile que mère nature lui avait donné de longs poils urticants pour se défendre. Et, avec le temps, les doigts du ciel ne l’approchaient même plus pour la toucher.

Je ne sais si elle avait une quelconque conscience d’elle-même ou bien de sa destinée. Elle n’était qu’un insecte rampant, se nourrissant de feuilles d’arbres fraiches, de mousses ou de champignons. C’était bien là son occupation principale. Parfois, avec ses sœurs chenilles elles se réunissaient en de longues processions et elles rampaient.

Un jour, sans qu’elle sache ni pourquoi, ni comment, un fil de soie sortit de son corps. Sentit-elle alors qu’il était temps ? Que son moment arrivait ? Ou bien, ne sachant que faire de tout cela décida t’elle d’y trouver une quelconque utilité ou même un sens ?

Bref…

lle fit ce que sait faire toute bonne chenille arrivée à son Temps : elle s’enroula dans son fil de soie. Peut-être crut-elle que cela allait la protéger ? Peut-être savait-elle ce qu’il allait advenir ? En attendant, ce qui devait la protéger était devenu si dense qu’elle s’y enferma sans même s’en rendre compte. Ce qui devait être un écrin était devenu cocon.

Jours après jours elle se liquéfia. Tout son être était devenu visqueux, acide, glauque, soufre et couleur de terre… Dans ce cocon devenu chrysalide, tout son être changea de forme et de raison d’être… Ses yeux s’agrandirent, ses mâchoires devinrent trompe, son dos se fendit en deux pour laisser apparaître ce qui allait devenir des ailes.

Si un curieux avait voulu observer l’intérieur du cocon, il aurait fallu qu’il coupe le fil de soie pour l’ouvrir sans attendre que l’œuvre soit achevée. Cette curiosité aurait interrompu cette miraculeuse alchimie qu’est la vie pour n’en percevoir qu’une putréfaction mortuaire éphémère.

Calfeutrée ainsi au cœur de sa soie, elle n’était plus que chaleur du soleil, humidité de la pluie, air du vent, acidité de la terre.

Lorsqu’elle sentit que le Temps était accompli son abdomen se gonfla et la chrysalide s’ouvrit laissant émerger un papillon. Il extirpa ses ailes encore molles et gluantes, son corps puis enfin sa tête de la gangue de soie qui avait jusqu’alors protégé son œuvre.

l ouvrit ses yeux aux mille facettes et découvrit en même temps, à la grâce de ses mille regards, ce qu’il avait été : un cocon, et ce que la métamorphose avait accompli : un papillon.

Si un bon samaritain avait voulu l’aider à sortir de sa citadelle de soie il aurait brisé l’élan de sa détermination et de ses efforts. Et ce sont les efforts et la détermination qui font la force et la possibilité du vol.

Le soleil termina de la sécher doucement. Le mucus devint poudre bleue sur ses ailes irisées… Un battement… Deux…

Puis…

Il partit se nourrir aux calices des fleurs et ainsi les féconder. Se souvint-il un jour qu’il en avait dévoré les feuilles lorsqu’il avait été chenille ? Nul ne le sait. Nul ne sait même si il se souvenait avoir été chenille.

La nature des choses avait amenée la chenille au bord de son envol. Son envol fragile mais puissant, dans cette fin de vie devenue brève, tenait du miracle de la transmutation et de la nature profonde et inexplicable du Secret de la Vie. Il avait pris naissance dans le cœur d’une chenille par le don de soie transmuée pour renaître dans l’envol éphémère d’un papillon aux ailes bleues filant vers l’azur.

Une seule question subsiste cependant : la chenille se souvient-elle du papillon?

Stefan von Nemau

Nadir

C’est un royaume à la porte cachée.
Un lac perdu au creux d’une douce vallée.
Où un profond miroir secret recèle,
L’entrée de ce Temple et son divin autel.

C’est un royaume à la porte cachée.
Un lac perdu au creux d’une douce vallée.
Où un profond miroir secret recèle,
L’entrée de ce Temple et son divin autel.

Dans la profondeur de ses vals obscurs,
Plonge le myste errant en cette onde si pure.
C’est le nadir à l’oeil de bronze mystère,
Cyclopéen espoir du zénith éphémère.

Dans cette cavernes aux illusions déchues,
A l’entrée ton con, je me glisse au dessus.
Ta croupe tenant je sillonne le Chemin,
Ouvrant tes monts de mon plus pur airain.

Qu’il est puissant de forcer cette porte.
De mes doigts, de mon sceptre, y prier seul importe.
Des heures m’attarder pour silence écouter,
Le chant-océan de ton âme s’élever.

Ce voyage abyssal me transe et m’attire,
Comme Ulysse les sirènes, je me mue en satyre.
Un Pan aveuglé, bandant dur et fier,
Et mon âme, du regard, apprivoise Cerbère.

D’un coup doux et violent nous voici pénétrés.
Dans La Pierre, Excalibur est enfin replantée.
Celle du Dragon et son souffle alchimique,
Unissant les contraires en d’aimantes suppliques.

Enfin au tréfonds, me voici garde touchant.
Sur le son de ta soie je vole m’arque-boutant.
Je joue de ma lyre et j’adoucis l’amer,
Pour qu’enfin nos chants, par l’archet, changent d’Ère.

Nous voici enfin Un, par le vit raie-unis.
Dans ce désert sacré, nous buvons à ce puits.
Pèlerins éternels par l’Instance Charnelle,
Explorant chaque Voie menant au Carmel.

Epuisés l’un dans l’autre, dans la mer, allongés,
Revenir au rivage, dérivantes âmes mêlées.
Ressentir de Lumière, la clepsydre se remplir,
Et pouvoir de ce Temps, enfin revenir.

Renaitre à nouveau aux préjugés vulgaires,
Aux errances profanes trop souvent délétères.
Grâce à notre Amour et nos rituels secrets,
Nous Connaissons ce Temple où l’Ame renait.

Stefan von Nemau

Le choix des vivants

J’ai visité tes humides catacombes,
Tes vals obscurs iridescents dans l’onde,
Miroir aux fantasques, papillons enchantés,
Chrysalide de soie aux parfums doux musqués.

J’ai visité tes humides catacombes,
Tes vals obscurs iridescents dans l’onde,
Miroir aux fantasques, papillons enchantés,
Chrysalide de soie aux parfums doux musqués.

J’ai semé en toi mon ultime espoir,
Celui d’enfanter du creuset laminoir,
C’est l’épreuve de la foi, malgré le temps mouvant,
Devenir des époux gémellaires amants.

Tu dois quitter cet il pour faire ce voyage.
Avec incertitude pour unique bagage.
Tu revisites tes peurs, transes acides fragrances,
Oubliant parfois que l’Amour est seule chance.

Difficile de laisser celui que l’on a tant aimé,
Qui de nous n’a laissé qu’une image souillée,
Dans le reflet d’une vitre embuée sur la rue,
Tissant son retour, Pénélope mise à nue.

Lorsqu’on fini par voir que cette servitude,
Est la chaine mordante de notre solitude.
Il n’y a parfois pas d’autre choix pour s’en libérer.
Que la ceinte cheville gangrenée, amputer.

C’est souvent le prix de la Liberté,
Celui du sacrifice accepté, assumé.
Aimer, vois-tu, est le choix des Vivants,
L’enchainé est lui un mourant survivant.

Stefan von Nemau (2017)

A l’ancre noire je me suis endeuillé

J’ai laissé ma raison appareiller de Cythère,
Laissant Aphrodite dans l’écume des flots,
Effacées chaque goutte par les vagues éphémères.
Son visage, sa main, la douceur de son dos,
S’enfoncent au panthéon des sels d’argent solarisé.

J’ai laissé ma raison appareiller de Cythère,
Laissant Aphrodite dans l’écume des flots,
Effacées chaque goutte par les vagues éphémères.
Son visage, sa main, la douceur de son dos,
S’enfoncent au panthéon des sels d’argent solarisés.


Il ne peut en amour y avoir de raison,
Juste parfois une mortelle oraison.
A qui n’a pas brûlé la douleur insupporte,
Qui a trop irradié seul Chronos l’emporte.


Je n’ai pas choisi les rencontre orphiques,
Qui semblaient vu de loin des odes magiques.
Je ne peux me résoudre encore à plonger,
Dans les eaux abyssales du fleuve Léthée.


Tu n’as pas franchi le Styx avec moi bel amour,
Peut être, sur une rive, nous croiserons nous un jour.
Je me suis engagé en saignant mon écrit,
Je redeviens vampire au pays des zombies.


De mon âme immortelle je vais donc briller,
Aux délices de leurs sucs je vais me rassasier.
Leur montrer le chemin de l’errance éternelle,
Celle qui prend fin dans la nacre charnelle,
D’un désir violent ouvert aux troublants,
Comme l’absente absinthe des poètes conquérants,
Que je refuse de boire contre vents et marées.


Je me veux être Amant, et non chien errant.
Je n’ai pu être roi, c’est aussi bien ainsi,
Je range mon sceptre dans le coffre de l’oubli,
Et écrire pour que cesse cet écho déchiré,
Celui que ton silence, en moi, fait brûler.

Stefan von Nemau

Le poids du vide en ma main

Un soir en traversant le pont,
J’ai parlé à un homme, il regardait vers le fond,
Son esprit déjà dans l’amer du tréfonds.
J’ai lâché les mots et malgré attention,
Il a sauté avec détermination.
Je l’ai retenu par la main, visage et béton.
D’autres ont aidé, Temps en suspension.
Sisyphe voulait mourir, il l’a crié, crié et crié.
Ma peur me hurlait de ne pas l’écouter,
Mon instinct murmurait : « Laisse le s’en aller ».
C’est lorsque son nom je lui ai demandé…

Un soir en traversant le pont,
J’ai parlé à un homme, il regardait vers le fond,
Son esprit déjà dans l’amer du tréfonds.
J’ai lâché les mots et malgré mon attention,
Il a sauté avec détermination.
Je l’ai retenu par la main, visage et béton.
D’autres ont aidé, Temps en suspension.
Sisyphe voulait mourir, il l’a crié, crié et crié.
Ma peur me hurlait de ne pas l’écouter,
Mon instinct murmurait : « Laisse le s’en aller ».
C’est lorsque son nom je lui ai demandé,
Qu’il a ouvert ses doigts et de lui n’a laissé,
Que le son de son envol dans le fleuve, décidé…


…Et le poids du vide en ma main….

Il a vogué dans le courant, un éternel moment.
Un Charon anonyme de la rive a nagé.
Et sur le bord de sa vie l’a recouché.
Allongé sur la berge Sisyphe est survivant,
Peut être était il mort il y a bien longtemps,
A pousser son rocher sur la montagne de l’instant.


…Je sais combien pèse une vie c’est certains…
…Pas plus que le poids du vide en ma main…

Il est des maux où les mots ne pèsent rien,
Que l’eau du vide répandu en sa main.
Clepsydre vidée je fais le bilan :
Des anonymes s’unissent pour sauver un Sisyphe.
Ils ne le connaîtront pas, c’est un élan de foi.
Pris dans mon orgueil de n’avoir pu seul empêcher,
Ce saut dans le vide de cette âme damnée,
J’en ai oublié qu’une chaîne d’hommes unis,
A pu ce soir là, sauver une vie.
Si ce n’est celle de Sisyphe, car elle lui appartient,
C’est au moins la leur, qu’ils tiennent entre leurs mains.
Par le poids du vide en ma main révélé,
C’est ma vie, que Sisyphe a sauvé.


… Je sais maintenant combien …
… Pèse le temps filant dans ma main …

Stéphane Chauvet (2012)