La chenille se souvient-elle du papillon?

Il était une fois une petite chenille, humble et frêle. Elle était colorée de noir, de rouge, de jaune et avec des points blancs. Elle était si frêle et si fragile que mère nature lui avait donné de longs poils urticants pour se défendre. Et, avec le temps, les doigts du ciel ne l’approchaient même plus pour la toucher…

Chrysalides par Stéphane Chauvet
Photographie tirés de la Série « Les cas d’havres exquis »

Il était une fois une petite chenille, humble et frêle. Elle était colorée de noir, de rouge, de jaune et avec des points blancs. Elle était si frêle et si fragile que mère nature lui avait donné de longs poils urticants pour se défendre. Et, avec le temps, les doigts du ciel ne l’approchaient même plus pour la toucher.

Je ne sais si elle avait une quelconque conscience d’elle-même ou bien de sa destinée. Elle n’était qu’un insecte rampant, se nourrissant de feuilles d’arbres fraiches, de mousses ou de champignons. C’était bien là son occupation principale. Parfois, avec ses sœurs chenilles elles se réunissaient en de longues processions et elles rampaient.

Un jour, sans qu’elle sache ni pourquoi, ni comment, un fil de soie sortit de son corps. Sentit-elle alors qu’il était temps ? Que son moment arrivait ? Ou bien, ne sachant que faire de tout cela décida t’elle d’y trouver une quelconque utilité ou même un sens ?

Bref…

lle fit ce que sait faire toute bonne chenille arrivée à son Temps : elle s’enroula dans son fil de soie. Peut-être crut-elle que cela allait la protéger ? Peut-être savait-elle ce qu’il allait advenir ? En attendant, ce qui devait la protéger était devenu si dense qu’elle s’y enferma sans même s’en rendre compte. Ce qui devait être un écrin était devenu cocon.

Jours après jours elle se liquéfia. Tout son être était devenu visqueux, acide, glauque, soufre et couleur de terre… Dans ce cocon devenu chrysalide, tout son être changea de forme et de raison d’être… Ses yeux s’agrandirent, ses mâchoires devinrent trompe, son dos se fendit en deux pour laisser apparaître ce qui allait devenir des ailes.

Si un curieux avait voulu observer l’intérieur du cocon, il aurait fallu qu’il coupe le fil de soie pour l’ouvrir sans attendre que l’œuvre soit achevée. Cette curiosité aurait interrompu cette miraculeuse alchimie qu’est la vie pour n’en percevoir qu’une putréfaction mortuaire éphémère.

Calfeutrée ainsi au cœur de sa soie, elle n’était plus que chaleur du soleil, humidité de la pluie, air du vent, acidité de la terre.

Lorsqu’elle sentit que le Temps était accompli son abdomen se gonfla et la chrysalide s’ouvrit laissant émerger un papillon. Il extirpa ses ailes encore molles et gluantes, son corps puis enfin sa tête de la gangue de soie qui avait jusqu’alors protégé son œuvre.

l ouvrit ses yeux aux mille facettes et découvrit en même temps, à la grâce de ses mille regards, ce qu’il avait été : un cocon, et ce que la métamorphose avait accompli : un papillon.

Si un bon samaritain avait voulu l’aider à sortir de sa citadelle de soie il aurait brisé l’élan de sa détermination et de ses efforts. Et ce sont les efforts et la détermination qui font la force et la possibilité du vol.

Le soleil termina de la sécher doucement. Le mucus devint poudre bleue sur ses ailes irisées… Un battement… Deux…

Puis…

Il partit se nourrir aux calices des fleurs et ainsi les féconder. Se souvint-il un jour qu’il en avait dévoré les feuilles lorsqu’il avait été chenille ? Nul ne le sait. Nul ne sait même si il se souvenait avoir été chenille.

La nature des choses avait amenée la chenille au bord de son envol. Son envol fragile mais puissant, dans cette fin de vie devenue brève, tenait du miracle de la transmutation et de la nature profonde et inexplicable du Secret de la Vie. Il avait pris naissance dans le cœur d’une chenille par le don de soie transmuée pour renaître dans l’envol éphémère d’un papillon aux ailes bleues filant vers l’azur.

Une seule question subsiste cependant : la chenille se souvient-elle du papillon?

Stefan von Nemau

Nadir

C’est un royaume à la porte cachée.
Un lac perdu au creux d’une douce vallée.
Où un profond miroir secret recèle,
L’entrée de ce Temple et son divin autel.

C’est un royaume à la porte cachée.
Un lac perdu au creux d’une douce vallée.
Où un profond miroir secret recèle,
L’entrée de ce Temple et son divin autel.

Dans la profondeur de ses vals obscurs,
Plonge le myste errant en cette onde si pure.
C’est le nadir à l’oeil de bronze mystère,
Cyclopéen espoir du zénith éphémère.

Dans cette cavernes aux illusions déchues,
A l’entrée ton con, je me glisse au dessus.
Ta croupe tenant je sillonne le Chemin,
Ouvrant tes monts de mon plus pur airain.

Qu’il est puissant de forcer cette porte.
De mes doigts, de mon sceptre, y prier seul importe.
Des heures m’attarder pour silence écouter,
Le chant-océan de ton âme s’élever.

Ce voyage abyssal me transe et m’attire,
Comme Ulysse les sirènes, je me mue en satyre.
Un Pan aveuglé, bandant dur et fier,
Et mon âme, du regard, apprivoise Cerbère.

D’un coup doux et violent nous voici pénétrés.
Dans La Pierre, Excalibur est enfin replantée.
Celle du Dragon et son souffle alchimique,
Unissant les contraires en d’aimantes suppliques.

Enfin au tréfonds, me voici garde touchant.
Sur le son de ta soie je vole m’arque-boutant.
Je joue de ma lyre et j’adoucis l’amer,
Pour qu’enfin nos chants, par l’archet, changent d’Ère.

Nous voici enfin Un, par le vit raie-unis.
Dans ce désert sacré, nous buvons à ce puits.
Pèlerins éternels par l’Instance Charnelle,
Explorant chaque Voie menant au Carmel.

Epuisés l’un dans l’autre, dans la mer, allongés,
Revenir au rivage, dérivantes âmes mêlées.
Ressentir de Lumière, la clepsydre se remplir,
Et pouvoir de ce Temps, enfin revenir.

Renaitre à nouveau aux préjugés vulgaires,
Aux errances profanes trop souvent délétères.
Grâce à notre Amour et nos rituels secrets,
Nous Connaissons ce Temple où l’Ame renait.

Stefan von Nemau

Le choix des vivants

J’ai visité tes humides catacombes,
Tes vals obscurs iridescents dans l’onde,
Miroir aux fantasques, papillons enchantés,
Chrysalide de soie aux parfums doux musqués.

J’ai visité tes humides catacombes,
Tes vals obscurs iridescents dans l’onde,
Miroir aux fantasques, papillons enchantés,
Chrysalide de soie aux parfums doux musqués.

J’ai semé en toi mon ultime espoir,
Celui d’enfanter du creuset laminoir,
C’est l’épreuve de la foi, malgré le temps mouvant,
Devenir des époux gémellaires amants.

Tu dois quitter cet il pour faire ce voyage.
Avec incertitude pour unique bagage.
Tu revisites tes peurs, transes acides fragrances,
Oubliant parfois que l’Amour est seule chance.

Difficile de laisser celui que l’on a tant aimé,
Qui de nous n’a laissé qu’une image souillée,
Dans le reflet d’une vitre embuée sur la rue,
Tissant son retour, Pénélope mise à nue.

Lorsqu’on fini par voir que cette servitude,
Est la chaine mordante de notre solitude.
Il n’y a parfois pas d’autre choix pour s’en libérer.
Que la ceinte cheville gangrenée, amputer.

C’est souvent le prix de la Liberté,
Celui du sacrifice accepté, assumé.
Aimer, vois-tu, est le choix des Vivants,
L’enchainé est lui un mourant survivant.

Stefan von Nemau (2017)

A l’ancre noire je me suis endeuillé

J’ai laissé ma raison appareiller de Cythère,
Laissant Aphrodite dans l’écume des flots,
Effacées chaque goutte par les vagues éphémères.
Son visage, sa main, la douceur de son dos,
S’enfoncent au panthéon des sels d’argent solarisé.

J’ai laissé ma raison appareiller de Cythère,
Laissant Aphrodite dans l’écume des flots,
Effacées chaque goutte par les vagues éphémères.
Son visage, sa main, la douceur de son dos,
S’enfoncent au panthéon des sels d’argent solarisés.


Il ne peut en amour y avoir de raison,
Juste parfois une mortelle oraison.
A qui n’a pas brûlé la douleur insupporte,
Qui a trop irradié seul Chronos l’emporte.


Je n’ai pas choisi les rencontre orphiques,
Qui semblaient vu de loin des odes magiques.
Je ne peux me résoudre encore à plonger,
Dans les eaux abyssales du fleuve Léthée.


Tu n’as pas franchi le Styx avec moi bel amour,
Peut être, sur une rive, nous croiserons nous un jour.
Je me suis engagé en saignant mon écrit,
Je redeviens vampire au pays des zombies.


De mon âme immortelle je vais donc briller,
Aux délices de leurs sucs je vais me rassasier.
Leur montrer le chemin de l’errance éternelle,
Celle qui prend fin dans la nacre charnelle,
D’un désir violent ouvert aux troublants,
Comme l’absente absinthe des poètes conquérants,
Que je refuse de boire contre vents et marées.


Je me veux être Amant, et non chien errant.
Je n’ai pu être roi, c’est aussi bien ainsi,
Je range mon sceptre dans le coffre de l’oubli,
Et écrire pour que cesse cet écho déchiré,
Celui que ton silence, en moi, fait brûler.

Stefan von Nemau

Le poids du vide en ma main

Un soir en traversant le pont,
J’ai parlé à un homme, il regardait vers le fond,
Son esprit déjà dans l’amer du tréfonds.
J’ai lâché les mots et malgré attention,
Il a sauté avec détermination.
Je l’ai retenu par la main, visage et béton.
D’autres ont aidé, Temps en suspension.
Sisyphe voulait mourir, il l’a crié, crié et crié.
Ma peur me hurlait de ne pas l’écouter,
Mon instinct murmurait : « Laisse le s’en aller ».
C’est lorsque son nom je lui ai demandé…

Un soir en traversant le pont,
J’ai parlé à un homme, il regardait vers le fond,
Son esprit déjà dans l’amer du tréfonds.
J’ai lâché les mots et malgré mon attention,
Il a sauté avec détermination.
Je l’ai retenu par la main, visage et béton.
D’autres ont aidé, Temps en suspension.
Sisyphe voulait mourir, il l’a crié, crié et crié.
Ma peur me hurlait de ne pas l’écouter,
Mon instinct murmurait : « Laisse le s’en aller ».
C’est lorsque son nom je lui ai demandé,
Qu’il a ouvert ses doigts et de lui n’a laissé,
Que le son de son envol dans le fleuve, décidé…


…Et le poids du vide en ma main….

Il a vogué dans le courant, un éternel moment.
Un Charon anonyme de la rive a nagé.
Et sur le bord de sa vie l’a recouché.
Allongé sur la berge Sisyphe est survivant,
Peut être était il mort il y a bien longtemps,
A pousser son rocher sur la montagne de l’instant.


…Je sais combien pèse une vie c’est certains…
…Pas plus que le poids du vide en ma main…

Il est des maux où les mots ne pèsent rien,
Que l’eau du vide répandu en sa main.
Clepsydre vidée je fais le bilan :
Des anonymes s’unissent pour sauver un Sisyphe.
Ils ne le connaîtront pas, c’est un élan de foi.
Pris dans mon orgueil de n’avoir pu seul empêcher,
Ce saut dans le vide de cette âme damnée,
J’en ai oublié qu’une chaîne d’hommes unis,
A pu ce soir là, sauver une vie.
Si ce n’est celle de Sisyphe, car elle lui appartient,
C’est au moins la leur, qu’ils tiennent entre leurs mains.
Par le poids du vide en ma main révélé,
C’est ma vie, que Sisyphe a sauvé.


… Je sais maintenant combien …
… Pèse le temps filant dans ma main …

Stéphane Chauvet (2012)